Depuis cent ans, la famille Gardien règne en maître sur le domaine de Chassignolles, à Saint-Pourçain dans l’Allier (Photo : Gardien).
Le 11 novembre 1924, le Domaine Gardien voyait le jour sous l’impulsion d’Élisa et Justin Gardien. Un siècle plus tard, quatre générations se sont transmis le flambeau. Olivier et son frère Christophe, respectivement âgés de 51 et 55 ans, continuent de faire prospérer la passion familiale pour la vigne. « L’esprit du domaine, certifié Haute Valeur Environnementale, est de préserver les traditions et le savoir-faire acquis au fil des quatre générations en les associant aux techniques modernes et à l’évolution du goût des consommateurs », confient les frères Gardien.
Un cépage unique
Aujourd’hui, le domaine s’étend sur 24 hectares répartis aux deux-tiers rouge et un tiers blanc. Les vignes ont entre 2 et 50 ans. L’élevage des vins se fait dans des matériaux modernes de qualité : inox ou fibre de verre pour les vins jeunes, et fûts des forêts de Tronçais et Jaligny pour les vieilles vignes. « Nous avons la grande chance de disposer de ces forêts de grande qualité à proximité. Il aurait été dommage de s’en priver ! », sourient les deux quinquagénaires.
Le Domaine Gardien se distingue par des rouges issus des cépages gamay et pinot noir permettant une déclinaison d’assemblages allant de vins fruités et légers jusqu’à ceux issus de plus vieilles vignes, ronds et structurés, à base de pinot noir et élevés en barriques. « Les blancs tiennent leur grande originalité de la présence dans l’assemblage de Tressallier, cépage unique, n’existant qu’en saint-pourcinois », poursuit Olivier Gardien. Cette gamme complète est étoffée d’un rosé fruité et élégant ainsi que de méthodes traditionnelles blanc et rosé et d’un ratafia.
Du Japon à Cambridge
« Les vins de Saint-Pourçain ont beaucoup évolué en cent ans, analyse Olivier. D’abord en raison du changement climatique et ensuite dans la façon de travailler la vigne ». D’abord classé en Vin Délimité de Qualité Supérieure (VDQS) en 1951, le vignoble saint-pourcinois a conquis ses véritables lettres de noblesse en 2009, en obtenant l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC). « Cela a définitivement donné un nouvel éclairage à notre production, y compris à l’international ». Aujourd’hui, le domaine Gardien s’exporte du Japon aux États-Unis. Il est même devenu le fournisseur officiel de l’Université de Cambridge en Grande-Bretagne !
À l’occasion du centenaire, le domaine a spécialement vinifié la « Cuvée des 100 ans », déclinée en blanc, rouge et rosé. « Issue de la parcelle historique des Agalais, elle a été élaborée avec les cépages les plus proches de ceux cultivés par nos arrière-grands-parents : le gamay et le chardonnay », s’enthousiasment les « Gardien » du temple qui auraient rendu fier leurs aïeux.
Geneviève Colonna d’Istria
Le Saint-Pourçain, toute une histoire !
Le vignoble de Saint-Pourçain est considéré comme l’un des plus anciens de France. Implanté par les Phéniciens, celui-ci connut des fortunes diverses, au gré des siècles, des invasions et des maladies décimant parfois la vigne. À la fin du Moyen-Âge, la paix relative qui s’installe dans la région permet le renouveau du vignoble. L’apparition des tavernes offre alors un débouché commercial tout trouvé.
Le vin de Saint-Pourçain voyage rapidement au-delà de sa région d’origine : le port de la Chaize, à Contigny, expédie le breuvage sur la table des Rois de France. Ainsi, Saint-Louis en 1241 offrit le Saint-Pourçain pour l’adoubement de son frère Alphonse. En 1328, on en consomme pour le couronnement de Philippe Le BEL. Également plébiscité par les Papes en Avignon, à chaque grande occasion, le Saint-Pourçain est à l’honneur.
Au XVIII, le vignoble atteint 8 000 hectares. L’approche du 19ème siècle sera synonyme de coup d’arrêt pour le Saint-Pourcinois avec successivement en 1790 la crue dévastatrice du 12 novembre, qui emporte les ports marchands sur l’Allier, l’apparition en 1800 de modes de transports plus rapides et favorisant la concurrence des vins du Midi et surtout la terrible épidémie de phylloxéra de 1885. Le renouveau du vignoble est récent, avec la recherche incessante de la qualité qui conduit à l’obtention du label Vin Délimité de Qualité Supérieure (VDQS) en 1951.
En 2009, après des décennies d’effort et de restructuration, c’est l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) qui vient le travail et la pugnacité des hommes et femmes qui ont cru aux valeurs de ce vignoble ancestral. Aujourd’hui composée de 600 hectares répartis sur 19 communes, l’aire d’Appellation compte une quinzaine de vignerons indépendants, vinifiant leurs propres productions et une cave coopérative regroupant une soixantaine d’adhérents.