Sans équivalent dans la gastronomie française, la table triplement étoilée de Régis Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire) réunit désormais trois Marcon, père et fils (Photo : Geneviève Colonna d’Istria).
De toute évidence, il existe entre Régis, le papa, et ses fils Jacques et Paul, un indéniable air de famille… et un ADN commun : la passion pour la gastronomie. Le restaurant triplement étoilé de Régis et Jacques Marcon, installé à Saint-Bonnet-le-Froid, sur les hauts plateaux du Velay, en Haute-Loire, présente une autre originalité plus singulière, cette fois. Il s’agit sans doute du seul restaurant trois étoiles en France réunissant un père et ses deux fistons. Car depuis le début de la saison, le petit dernier de la fratrie, Paul, 28 ans, a rejoint les fourneaux de la cuisine familiale.
« Travailler avec mes deux fils est un rêve »
Après sa formation sur les bancs de l’école hôtelière de Thonon-les-Bains, le dernier-né de la famille (NDLR : ils sont quatre enfants) est sacré Champion de France aux Worldskills 2017, remporte le trophée Masse en 2019 avant de décrocher plus récemment le trophée Jean Delaveyne en 2022. « J’ai toujours aimé la compétition. J’aime relever des défis », sourit le jeune homme qui prépare entre deux services le prochain concours très sélectif des Bocuse d’Or, en septembre. Pour lui, « revenir à Saint-Bonnet était une évidence. Depuis toujours j’ai su que je rentrerai travailler ici ».
Rien ne pouvait plus réjouir son père Régis et son grand frère Jacques, 45 ans, qui travaillent déjà ensemble depuis 2004. « Travailler avec mes deux fils est un rêve que je n’aurais jamais pu imaginer lorsque je me suis lancé dans le métier il y a 45 ans. J’ai tellement de chance que j’ai l’impression de ne pas l’apprécier à sa juste valeur », souffle le patriarche de 67 ans. Malgré la renommée internationale de sa troisième étoile acquise en 2005, Régis Marcon a su rester simple et inculquer de solides valeurs à ses enfants. « Je vis toujours dans la pièce où je suis né. J’ai veillé à transmettre ces notions de simplicité et de courage à mes quatre enfants. Mais je ne les ai jamais forcés à suivre la même carrière. Ils savent à quel point c’est un métier magnifique mais difficile ».
« Continuer à écrire l’histoire »
Loin d’être découragés, l’aîné et le benjamin travaillent désormais côté à côté. Jacques, dans le rôle du « patron », chef d’orchestre d’une brigade d’une vingtaine de personnes et Paul régnant sur la pâtisserie. « Notre vie s’est toujours articulée autour du restaurant, commente Jacques. On vit pour et par le restaurant. Il n’y a rien de nouveau pour nous. On aime par-dessus tout ce que nous faisons, l’esprit de notre village, la vie ici. Notre mission est dans la transmission. Mais aujourd’hui, c’est moi le chef ! Donc j’essaie d’avoir une vision à long terme. Le jour où Paul nous a annoncé qu’il voulait nous rejoindre, j’étais très heureux. Entre lui et moi, il y a presque une génération d’écart. Il apporte du sang neuf, ses idées et sa propre expérience. Il faut apprendre à tous s’accorder mais cela se passe plutôt très bien. Il y a une vraie proximité entre nous ».
Tous les trois savourent chaque jour leur exceptionnel destin de pouvoir travailler ensemble au firmament de la gastronomie française. « On se dit que nous avons de la chance d’avoir un restaurant complet tout le temps et d’être tous ensemble. Certaines familles connaissent des drames. Nous, nous avons notre père qui est toujours là, à nos côtés. Il y a de la place pour tous et assez de travail pour tout le monde ! », s’amuse Jacques. « Notre but, c’est de rester ici et de réussir la transmission pour continuer l’histoire qu’avaient commencé à écrire nos grands-parents ».
Geneviève Colonna d’Istria