Depuis le 1er janvier 2024, le Pr Nicolas Authier, médecin psychiatre et pharmacologue, a pris la tête de l’Institut Analgésia dont le siège est à Clermont-Ferrand. Ce chef de service de pharmacologie et médecine de la douleur, succède au Professeur Alain Eschalier, Président-fondateur depuis 2016 (Photo : Institut Analgésia)
En France, on estime que plus de 10 millions d’adultes souffrent de douleurs chroniques et 70% d’entre eux ne reçoivent toujours pas une prise en charge appropriée. Que fait la Fondation pour lutter contre ce constat ?
La Fondation Analgésia est adossée au ministère de la Recherche. Elle a pour vocation principale de lever des fonds pour soutenir la recherche sur la douleur chronique avec différents axes de travail et de réflexion autour de l’accompagnement des patients et des soignants. L’une des spécificités de la Fondation est de développer des thérapies numériques portées par des téléphones ou des tablettes permettant de mettre en place des approches psychocorporelles, notamment au travers du programme eDOL qui est destiné aux patients suivis en centre de la douleur et à leur équipe médicale. Aujourd’hui, la fondation va plus loin en développant des outils numériques, une application coach de soin digital grand public.
Qu’est-ce que la douleur chronique ?
La douleur chronique touche plus de 10 millions de Français, atteints de pathologies différentes : arthrose, lombalgie, endométriose, cancer, fibromyalgie, maladies rares… La douleur impacte profondément le quotidien des patients : sommeil, moral, activité professionnelle. Parce que les traitements antalgiques sont insuffisants, tous ces patients restent dans l’attente de nouvelles solutions thérapeutiques. Elle peut concerner une ou plusieurs régions anatomiques et persiste ou se reproduit pendant plus de 3 mois, sans réponse suffisante au traitement initié. Étant donné le délai de diagnostic de la douleur chronique, elle engendre une détresse émotionnelle importante ou un handicap fonctionnel venant limiter les activités de la vie quotidienne pour le malade mais aussi ses proches. La prise en charge de la douleur est pourtant un droit pour les patients et un devoir pour les soignants.
Quel est le parcours pour un patient douloureux chronique ?
En France, la douleur est la première cause de consultation en médecine générale et dans les services d’accueil d’urgence. Pour autant, seuls 3% des douloureux chroniques sont suivis par des structures hospitalières spécialisées dans la douleur ! Les autres sont suivis par la médecine libérale. L’idée d’Analgésia est de mettre en place une thérapie numérique pour laquelle il y aura une prescription médicale, au même titre qu’un médicament. Nous travaillons sur une étude clinique en 2024 qui sera mise en place en 2025. C’est plus rapide que de mettre un nouveau médicament sur le marché et cela peut se révéler très efficace.
Quels sont vos projets pour l’avenir proche ?
Nous sommes en train de mettre en place le programme Apaisia. Il s’agit d’une application qui vise à immerger les patients dans une bulle pour les aider à gérer leur douleur. On va leur proposer un parcours de soins personnalisé. Ceci commence juste à être expérimenté au plan national avec les associations de patients.
Vous diriez qu’aujourd’hui encore la douleur est insuffisamment prise en charge ?
La douleur reste un grand mystère. On ne connaît pas bien ses mécanismes car il y a plusieurs types de douleurs chroniques avec peu de nouveaux traitements apparus ces dernières années. Beaucoup de laboratoires ont désinvesti ce champ-là. Il y a un grand vide ! Donc il faut soutenir la recherche pour mieux comprendre les douleurs, pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour de nouveaux médicaments mais cela prend des années et puis investir la santé numérique. Il y a quand même 11 millions de Français qui prennent des opioïdes en France chaque année. C’est tellement présent que c’est un problème mal identifié. On espère que dans un avenir proche on saura mieux soigner les répercutions de la douleur. Ces outils numériques peuvent être une vraie piste d’amélioration.
Propos recueillis par Geneviève Colonna d’Istria